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Transcription: « Marie-Eve Thibault, première femme à franchir le passage du Nord-Ouest»
Cette page comprend la transcription écrite de cette balado.
J’ai rencontré Marie-Eve Thibault pour la première fois en février 2022, dans un café du Centre-Sud à Montréal.
Je connaissais à ce moment-là peu de choses sur l’expédition du J.E. Bernier II et l’histoire du passage du Nord-Ouest. Nous avons discuté pendant près de deux heures sans qu’elle mentionne une seule fois cette information cruciale : elle, Marie-Eve Thibault, est la première femme de l’histoire à avoir effectué ce mythique passage du Nord-Ouest, l’une des routes de navigation les plus difficiles de la planète. Imagine ma surprise lorsque, en préparant le parcours que tu fais aujourd’hui, je suis tombée par hasard sur cette information! Que dis-je : sur cet évènement extraordinaire! Si Marie-Eve avait été Américaine ou Britannique, il y aurait déjà deux films et trois livres qui lui seraient consacrés…
Je te rapporte ici une parcelle de notre entretien afin que la connaissance de cet exploit se diffuse dans nos mémoires. Je prête donc ma voix à Marie-Eve, qui parle de son expérience à la première personne.
« Selon les années, il y a eu différents équipages sur le J.E. Bernier II. En 76 et 77, soit la première et la deuxième saison, j’étais du voyage du début à la fin. Seule femme à bord, il fut établi dès le départ que le couple que je formais avec Réal Bouvier, le capitaine, se mettait en veilleuse sur le bateau. Pendant toute l’expédition, j’étais un membre de l’équipage avec ses responsabilités et ses quarts de travail. Je faisais ce qu’il y avait à faire, c’est-à-dire de tout. Les problèmes ont été nombreux, car nous, comme le bateau, n’étions pas réellement préparés à faire face aux défis de l’Arctique… Sans radar, avant l’ère des GPS, les difficultés ont surgi tout au long du parcours : problèmes mécaniques, problèmes de radio… Nous n’avions pas encore quitté l’estuaire du Saint-Laurent qu’un des quatre membres de l’équipe est reparti à Montréal… Un deuxième fera de même une fois au Groenland, ce qui nous a laissés à deux personnes seulement pour remonter 650 kilomètres de côtes dangereuses dans un bateau sous-équipé. La deuxième saison, il y a eu les icebergs à éviter, et la banquise, qui risquait à tout moment d’écraser notre bateau en l’enfermant dans des glaces formées en quelques heures…
Malgré tout cela, le sentiment de liberté reste inexplicable, les expériences d’entraide, prodigieuses, et que dire de la beauté du Nord…
Comment expliquer la sensation de croiser des iles qui n’ont pas de nom? C’est le genre d’expérience qui transforme profondément qui on est, une sorte de rite de passage.
Tu sais, la résistance qu’on développe dans des circonstances de vie ou de mort, c’est extrêmement surprenant. Ça me sert encore aujourd’hui.
C’est le 9 aout 1977, en passant le cap Perry pendant la deuxième saison de l’expédition, que les correspondants de radio amateur nous annoncent que nous l’avions fait… nous avions franchi le passage du Nord-Ouest à bord d’un petit voilier! Mais le voyage était loin d’être terminé… Car, vois-tu, je t’en parle encore aujourd’hui… »