SAINT-THOMAS-DE-LA-POINTE-À-LACAILLE, UN VILLAGE ÉPHÉMÈRE
Bien que les terres aient été concédées dès 1669, il faut néanmoins attendre quelques années avant que les colons s’établissent ici. Parmi les premières censives octroyées par Louis Couillard de Lespinay et Noël Morin, notons celles des Rolandeau, Morin, Hysabel, Pozé, Blanchet, Fournier et Prou. Ces dernières, ayant appartenu à Jean Prou, puis à Guillaume Fournier, en bordure de la rivière à Lacaille, revêtent une grande importance patrimoniale pour les Magnymontois. C’est sur ce site qu’est érigé le premier noyau villageois de la seigneurie, désigné sous le vocable de Saint-Thomas-de-la-Pointe-à-Lacaille. Dès 1686, on y trouve une chapelle, la plus vieille de la région.
Au tournant du 18e siècle, une trentaine de censitaires occupent le territoire du village naissant. En 1711, la paroisse de Saint-Thomas-de-la-Pointe-à-Lacaille est érigée canoniquement et trois ans plus tard, il y a un curé résidant. En 1719, une nouvelle église de pierres remplace celle en bois, s’ajoutant au presbytère et au cimetière, consolidant le noyau institutionnel du village.
Les pionniers s’installent d’abord aux alentours du centre du village. Les terres qu’ils défrichent sont très riches et fertiles. Le territoire occupé ne tarde cependant pas à s’étirer vers la rivière du Sud, tant à l’est qu’au sud. Bien que débuté dans des conditions difficiles, le développement de Saint-Thomas-de-la-Pointe-à-Lacaille s’est plutôt effectué dans une aisance et une paix relative. Les habitants peuvent en effet compter sur la présence de marchands, de notaires et même... d’un cabaretier!
Vers 1750, on commence à s’inquiéter sérieusement de l’érosion des berges du fleuve accélérée par les défrichements. Des discussions sont alors entreprises pour déménager le noyau villageois plus à l’est, non loin de la rivière du Sud, là où il se trouve encore aujourd’hui.
En 1759, c’est la Conquête anglaise. Le 9 septembre, les troupes britanniques débarquent dans le secteur de l’embouchure de la rivière du Sud. Jusqu’au 15 septembre, ils brûlent et dévastent fermes et maisons dans la seigneurie. Les manoirs seigneuriaux et les moulins banaux sont également incendiés. Quant au presbytère, il est « saboté », mais n’est pas entièrement détruit. L’église est pour sa part épargnée. Il en est de même pour les fermes plus au sud, semble-t-il.
À la suite de « L’année des Anglais », les 1100 habitants du territoire font preuve de courage et reconstruisent leurs possessions. Certains, demeurant à la Pointe-à-Lacaille, en profitent même pour éloigner leurs maisons du fleuve, ne voulant pas subir le même sort que l’église et le cimetière, menacés par l’érosion. À compter de 1771, avec l’ouverture d’un temple sur un nouveau site, le nouveau village sera dorénavant connu comme Saint-Thomas.
Ainsi, à peine 100 ans après l’installation des premiers colons, le berceau de Montmagny, Saint-Thomas-de-la-Pointe-à-Lacaille, est abandonné et devient ainsi un village éphémère.
« Vers 1770, le village entier avait disparu, et la Pointe-à-Lacaille était de nouveau devenue déserte; il n’y restait plus qu’une seule maison, laissée là comme pour servir de garde d’honneur à la vieille église. »
– Eugène Renault