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L’Intercolonial : un restaurant et un chemin de fer

Peu banale, remarquez l’élégance de cette belle maison québécoise qui affiche fièrement ses matériaux de type traditionnel en bois : des revêtements de bardeaux de cèdre sur sa toiture, des fenêtres en bois et des planches horizontales embouvetées sur les murs. Imaginez-vous qu’à la fin du 19e siècle, la plupart des maisons de la ville sont de ce type avec des lucarnes et une toiture à deux pentes recourbées. Ce modèle se développe et s’adapte au cours du 19e siècle pour devenir le modèle traditionnel le plus couramment construit dans nos villes et villages et nos campagnes. Aujourd’hui, il en reste très peu en bon état de conservation et d’intégrité sur la rue Lafontaine et celle-ci en est un très bel exemple. La maison est construite en 1885 par le ferblantier Auguste Kerouack dit Breton originaire de la région de L’Islet. Au début du 20e siècle, elle sera connue comme la maison d’Aimé Dumas, employé de chemin de fer de l’Intercolonial qui l’habitera avec sa famille à partir de 1900. Le restaurant l’Intercolonial tire son nom du réseau de chemin de fer de l’Intercolonial ouvert en 1876 pour relier Montréal jusqu’à Halifax. Les voies ferrées longent les rives du Saint-Laurent et bifurquent ensuite vers le Nouveau-Brunswick en longeant la rivière Matapédia. La construction de ce réseau ferroviaire puis sa mise en service procure des emplois bien payés qui attirent beaucoup d’immigrants, mais aussi des fils de cultivateurs de la région à la recherche d’un gagne-pain honorable. Le premier pont ferroviaire en bois construit un peu plus haut que les grandes chutes permet de traverser la rivière du Loup et de se rendre vers l’Est.
Source : Bibliothèque et Archives Canada, Rivière-du-Loup, Québec, Alexander Henderson, 1871-1875, PA-022032.

Auguste Kerouack dit Breton (1844-1929)

Ferblantier de métier et fils d’un forgeron de L’Islet, Auguste Kerouack quitte sa région natale pour venir s’établir dans la région. En 1874, il épouse Catherine Grant à Saint-Arsène. En 1885, il achète un terrain à la famille Chamberland qui possède tous les terrains du secteur et il y construit deux maisons. Dix ans plus tard, on le retrouve à Cacouna où il exerce maintenant son métier de ferblantier. Ses investissements ou ses affaires personnelles battent bientôt de l’aile puisqu’il perd le terrain et les maisons au profit d’un de l’un de ses créanciers. Damase Caron, cultivateur et juge de paix à Fraserville rachète la maison et la lègue à sa fille Emma. En 1900, l’héritière divise le terrain en deux et vend le terrain et la maison à Aimé Dumas.

Aimé Dumas (1861-1919)

Aimé est employé de l’Intercolonial Railway. Il travaille d’abord comme serre-frein, puis conducteur de train. Il est originaire d’une famille de cultivateur de L’Isle-Verte. Son épouse Georgianna Perron est originaire de Fraserville. Être serre-frein est un métier dangereux qui ne demande pas beaucoup de spécialisation. Le serre-frein (brakeman) est posté dans le wagon de queue d’où il actionne le frein des wagons et s’assure que les essieux ne chauffent pas. Courir avec un bâton sur le toit des wagons n’est pas un métier facile et sans danger. Plusieurs serre-freins se blessaient gravement en tombant des trains en marche. À partir des années 1890, la plupart des trains sont équipés d’un système de freinage automatique, beaucoup moins dangereux. Cependant, le système d’attache des wagons demeure la cause de nombreux accidents. Les cheminots doivent tenir les crochets pour qu’ils s’emboîtent lors de la manœuvre de recul du train. Beaucoup d’hommes y perdent des doigts ou des mains. Heureusement, le système de couplage des wagons évolue et, en 1900, on le remplace également par un système automatique.

Famille d’Aimé Dumas

Source : Musée du Bas-Saint-Laurent, Fonds Stanislas Belle, M. Aimé Dumas, Rivière-du-Loup, b07194,1903 08 30.