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Nicolas Boulerice
Photo: Tzara Maud

DU TEMPS, DES FÊTES

Humains

Des humains je suis frère, comme un barde, un griot De demain et d’hier, j’ai la mémoire de l’eau Je suis tous les esclaves, les geôliers et les chaînes Je suis toujours le même, qui dit gueux, qui dit reine Me suis approprié les idées de vos sages Volé vos mots vos rires pour survivre aux ravages J’ai toutes vos couleurs, le fardeau des amours Tous les sexes, tous les torts, tous vos coeurs en tambour Je suis là en témoin à chacun des récits Comprenant que le mien est tissé de vos vies Marchant tous un chemin pavé d’égales envies Maintenant je suis las, perdant toute contenance Face aux guerres et aux Dieux, à nos intolérances J’ai mal à vos côtés, à nos indifférences

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Imaginez, j’ai eu le bonheur de voir mon tout premier manuscrit publié cet automne, juste à temps pour les temps froids et la saison des fêtes. Habituellement, je parle de disque, de trad et de chanson québécoise, mais cette fois, je vous partage assurément le plus intime de mes gestes artistiques à ce jour, Les ouvrages du temps en quatre saisons, qui paraît dans la série t-poésie des éditions Triptyque. C’est un livre que j’ai probablement commencé à écrire il y a longtemps, même si la majorité des poèmes qui s’y retrouvent sont nés dans les dernières années, depuis le début de ma quarantaine. Certaines idées et certains vers me suivent tout de même depuis longtemps. Ma première publication a eu lieu dans le journal du Canada-Français, à Saint-Jean-sur-Richelieu. C’était un concours de poésie pour lequel il me semble avoir gagné un prix (?). Pour l’histoire, je dirai volontiers que j’en étais le grand vainqueur! Enfin, l’enfant de 11 ans en avait retenu cette douce exaltation, d’autant que son papa était un écrivain, poète en plus. Vraisemblablement, j’ai eu une sérieuse pause de publication poétique par la suite, mais me voilà ! Cette forme de petite anthologie de mes écrits, car j’y fais aussi une place à certaines chansons du corpus de mes créations avec mon groupe Le Vent du Nord ou des extraits de mes projets solos, se veut surtout un recueil autour de la mémoire et de l’espérance. Si j’aime poser des questions dans mon métier d’auteur de chansons, mes poèmes sont souvent plus brefs ou subjectifs, plus libres en quelque sorte. J’aime bien le doute qu’offre la poésie. Le doute comme aussi le réconfort, parfois. Les ouvrages du temps est un voyage en fragments épars présentés en quatre saisons. S’ouvrent d’abord les dormances de l’hiver en forme de pauses et de finalités, puis suivent les orbes de l’automne, lumière et maturité, arrivent ensuite les occurrences et les possibles de la belle saison, avant les hoiries du printemps, empruntes d'héritages. Ces textes souhaitent apporter quelques sourires, quelques coups de sang et quelques respirations profondes. Aujourd’hui, j’ai simplement le désir de vous parler d’amour, de solitude et de réconciliation. J’ai envie de prendre cet espace pour vous inviter à partager un repas, une chanson, quelques mots. J’ai, ces jours-ci, besoin de beaucoup de douceur, d’écoute et d’ouverture. De silence aussi. (Tonitruante pandémie) Notre société revendique de grands changements. Changements assurément nécessaires, mais tout aussi complexes et délicats. Il manque toujours au présent le recul essentiel aux grandes décisions. Pour le futur, ce serait trop tard et le passé ... c’est la même chose! Nous sommes pris dans notre espace-temps. Il nous reste la possibilité de prendre un peu notre temps, dans le présent ! Je crois qu’à travers nos différences de point de vue et toutes ces routes parallèles, il est toujours question du même humain, de la même pluie, du même amour; fort, frêle, meurtri ou absent. C’est toujours le même feu, qui meurt et qui renaît. Pour chacun d’entre nous, une seule et même chose au bout de nos vies. En attendant, je souhaite parler et entendre parler de bien commun et de projet de société, car nous en sommes toujours capables. Le rêve est aux mots, ce que l'idée est aux gestes. Aux bonheurs de se revoir à nos tables, ouvertes, d’espérances garnies, partagées et aimantes. Bon temps des fêtes. Bon temps. C’est, vraisemblablement, la meilleure réponse à nos questionnements : le temps, la patience et la main bien ouverte. Pendant que vos mains sont ouvertes, attrapez donc un livre! Vous y trouverez justement une autre forme de temps, et de pardon, parfois. Une forme (presque) carbo neutre de voyager en quelques libertés toutes simples! Voici deux extraits pour les soirs frisquets de l’hiver. Un poème en forme de couverture pour nous tenir au chaud et un autre pour rassembler les souvenirs et les garder au sec, deux témoins de nos vies.

Le Drap de Lin

Offrons-nous un peu de temps À partager un drap de lin Amour Ensemble, aux voyagements des saisons Pour autant d’hivers que d’étés Pour autant que faire se peut Aimer un autre, une autre, aimer l’autre S’aimer aussi, autant que faire se peut Tout en s’usant le drap de lin Jusqu’à la fin des jours Et avec un peu de chance Emmitoufler les suivants de la route

Maison

Elle est debout, comme une lyre Son souffle court Rattrape au vol un son perçant Mentir au vent C’est qu’elle est tous les souvenirs Petits et grands Quand elle respire, volets, auvents Mentir au temps Nicolas Boulerice, novembre 2021



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