Le métier de forgeron
Le métier de forgeron, venu d'Europe, regroupe une diversité de spécialités. On y compte la taillanderie, consistant en la fabrication des outils tranchants de toute sorte; la maréchalerie, voyant au ferrage des animaux de trait; le charronnage, c'est-à-dire la fabrication de charrette et le bandage de roues; et la forge générale, qui consiste à fabriquer clous, pentures, crochets et diverses pièces de métal utiles pour une série d’autres métiers.
Le forgeron Louis-Philippe Bérubé, dont la boutique a été en activité entre 1941 et 2000, a exercé plusieurs de ces spécialités. Voici un tour d'horizon de ceux-ci!
Le travail du fer
Le forgeron était passionné par le travail du fer. Il confectionnait des ornementations de fer forgé, et fabriquait et réparait des pièces métalliques de toutes sortes. Il fabriquait et réparait des outils et des pièces sur mesure pour les agriculteurs, les commerçants, la ville, et les familles de la région. Jusqu’à ce que les rues de Trois-Pistoles soient asphaltées, le forgeron avait le contrat avec la Ville de fabriquer et changer la lame du tracteur qui grattait la terre pour niveler les routes en terre. Il réparait les tondeuses, les bicyclettes et fabriquait des boules d'attelages pour les voitures. Il créait aussi des ornementations extérieures et intérieures pour les bâtiments: plusieurs maisons de Trois-Pistoles portent encore ces ornements. On dit qu’il réparait « même les poêlons des madames »!
Le travail du bois
Dès le début, en plus du travail du fer, la Forge à Bérubé comprenait une section dédiée au travail du bois. Le forgeron fabriquait entre autres des équipements de transport de A à Z. Il pratique le charronnage (fabrication de charrette et bandage des roues de bois avec des cerceaux de fer). Il était réputé pour la fabrication de plates-formes de camion, qui servaient au transport de différentes charges: gravier, bois de sciage, liqueurs douces, marchandises, animaux, etc. Il fabriquait régulièrement des pièces pour Transport Belzile, Côté et Godbout, le ministère des Transports et divers agriculteurs et petits commerçants de la région.
Mais le forgeron Bérubé préférait tout de même le travail du fer au travail du bois parce que le bois laisse moins de place à l’erreur, et les particules de bois sont dangereuses pour les yeux!
La maréchalerie
Généralement, les forgerons de campagne s'occupaient de ferrer les cheveux, et plusieurs avaient également des connaissances vétérinaires qui leur conféraient un titre de soigneur officiel pour les animaux dans certaines communautés.
Louis-Philippe Bérubé a ferré les chevaux durant 5 ans, de 1940 à 1945, mais il n’aimait pas cette pratique. Il la trouvait dangereuse, et il a commencé à charger plus cher que ses compétiteurs pour décourager la clientèle de venir vers lui pour cette tâche. Il avait bien assez de travail avec les autres aspects de son métier!
Au fil des décennies, avec la mécanisation du travail artisanal et la baisse de la demande de ferrage des chevaux, la grande majorité des boutiques de forge ont fermé leurs portes. Certains irréductibles sont restés, comme le forgeron Louis-Philippe Bérubé. Il s'est maintenu en activité en diversifiant ses activités dans la soudure et la ferronnerie. Il fabriquait par exemple des pièces en métal pour réparer divers outils et appareils.
Le costume du forgeron
Généralement, le costume d'un forgeron est composé d’un tablier de cuir protégeant de la chaleur, des étincelles et des coups de sabots des chevaux. Celui-ci est séparé de l’aine vers le bas pour que le forgeron puisse passer un sabot entre ses jambes pour ferrer les chevaux. Plusieurs portent aussi un corset protecteur autour des reins pour forcer, et des bracelets de cuir, de laine ou de babiche pour réduire le gonflement des poignets, selon la prescription d'un remède populaire.
Le forgeron Bérubé portait un bonnet, des lunettes, un crayon dans la poche, une salopette, des gants de soudeur, et était toujours couvert de suie en raison du feu de forge qui fumait constamment.
C'est en forgeant qu'on devient forgeron
Le métier de forgeron s'apprend auprès d’un maître-forgeron, durant 6 mois à 4 ans selon les époques et les régions. Pendant cette période, on a le titre d’apprenti. L'apprenti n’est généralement pas rémunéré pour son travail, mais le maître-forgeron lui fournit le logement, la nourriture et les vêtements.
Une fois cette formation terminée, le nouveau forgeron se voit généralement remettre un costume et un trousseau d’outils de base et part à la recherche de travail. Il commence souvent par travailler avec le titre de compagnon, c'est-à-dire dans la boutique d'un autre forgeron. Certains forgerons sont apprentis puis compagnons dans la forge familiale dont ils héritent au décès de leur père. Lorsqu'il possède sa propre boutique de forge, le compagnon devient maître-forgeron à son tour.
Dans une petite boutique en campagne, il y a généralement un maître et un apprenti. En ville, dans les plus grandes boutiques, il y a parfois plusieurs apprentis et quelques compagnons.
Le forgeron Bérubé a été apprenti auprès de son frère Paul-Émile Bérubé à St-Louis-du-Ha! Ha!, et a acheté la boutique de forge dans laquelle vous vous tenez du forgeron Hypolite Caron, alors qu'elle n'était plus en fonction.
L'art de la forge conté par... Vuinbrekin
* Ouvrez le son, ça fait partie de l'expérience!
Découvrir un espace dans l'œil et l'imaginaire de différent.e.s artistes est à la fois surprenant et émouvant. Nous avons demandé au trio Vuinbrekin de partager avec nous, via leur art, leur vision de la Forge à Bérubé. Les capsules vidéos présentées dans cette exposition sont une micro-fenêtre qui s’ouvre sur leurs manières quelque peu surprenantes de vivre cette mythique forge.
Vuinbrekin est un trialogue spontané et continu entre des artistes qui coconstruisent un univers de création avec les matériaux du bois, du corps et du son. Pour Robin Servant, le lieu et les surfaces se transforment en instrument. Il y fait vibrer les sons produits par son accordéon, par les outils du sculpteur Emmanuel Guy et par la voix et le corps de Stéphanie Beaudoin. Celle-ci y repère des textures, des trous et des creux où s’insérer, du charbon et de l’huile; son corps s’en inspire, pèse le poids de la fonte et le contondant du métal. Emmanuel Guy, avec son œil de sculpteur et sa sensibilité d’artiste qui connaît le grain de la matière, sait redonner aux outils de la Forge maintenant vétustes une vie propre.
Continuez votre visite pour visionner deux autres capsules de Vuinbrekin et pour en apprendre davantage sur le travail du métal et sur les machines qui sont autour de vous dans la Forge.