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Lowcanes
Le 30 novembre 1775, l’homme d’affaire et capitaine de bateaux William Gill fait annoncer Lowcanes dans la Gazette de Québec.
Ce dernier, ayant fui près deux semaines auparavant, est décrit comme mesurant 5’10’’, étant maigre de visage et remarquable pour avoir les cheveux longs liés derrières la tête. Une récompense de 16 dollars est offerte.
L’une des particularités de cet homme de 25 ans est que, malgré son nom à consonance anglaise, «il parle bon français et point anglais».
Selon le chercheur Frank Mackey dans «Done with slavery», Lowcanes serait une anglicisation de Léogâne, le nom d’une ville en Haïti (Saint-Domingue à l’époque) dont il serait peut-être originaire. William Gill étant capitaine de navire, il est possible qu’il l’ait ramené de l’un de ses voyages. Il possédait au moins une autre esclave du nom de Rebecca qui fut vendue avec sa fille de 10 mois par sa veuve en 1788.
La musique, indissociable de l’expérience afro-descendante dans les Amériques
Un autre trait distinctif de Lowcanes est qu’il joue bien du violon, assez pour que ce soit mentionné dans l’avis de recherche. La musique est indissociable de l’expérience afro-descendante et africaine dans les Amériques.
Les instruments à cordes frottées ou pincées font partie de la tradition musicale ouest-africaine depuis des siècles, nous n’avons qu’à penser au goje nigérian, la kora sénégalaise, le bolon malien ou la cimboa capverdienne. Plusieurs des esclaves amenés aux Amériques étaient eux-mêmes issus de ces régions et le banjo est le descendant direct de cette tradition.
Lors de la traversée de l’Atlantique dans les bateaux négriers, les captifs africains chantaient pour communiquer ou être en mesure d’identifier des membres de leur famille ou de leur village.
Chanter pour communiquer
Les chants de travail (work songs) dans les plantations rythmaient les tâches, donnaient du courage, de l’espoir et un sens de la collectivité; ils servaient aussi à transmettre des messages. Les musiciens étaient par ailleurs souvent appelés à jouer pour leur maître.
L’une des plus anciennes représentations de personnes afro-descendantes ou africaines dans l’histoire iconographique canadienne s’appelle «Minuets of the Canadians» par George Heriot en 1809. Au travers de la foule assemblée pour une soirée dansante, on peut distinguer deux personnes noires surélevées dont l’une d’elles tient un tambourin.
Légende photo: Le Menuet des Canadiens George Heriot 1807. Toronto Public Library.
Cette oeuvre, peinte quelques années après la disparition de l’esclavage au Bas-Canada, illustre probablement des musiciens engagés pour l’occasion et non des esclaves.
On retrouve plus d’un noir musicien au Québec dans le premier quart du 19e siècle, la plupart des violonistes comme Lowcanes.