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Les procédés et les outils de la forge

Gros plan sur des outils à la Forge.
Photo: Valérie Lavoie

Le métier de forgeron a une caractéristique spéciale : le forgeron fabrique lui-même une partie des outils et machines dont il a besoin pour travailler. On peut penser aux marteaux, mèches, scies, qui sont des objets de métal et de bois qui aideront le forgeron dans ses tâches, mais aussi à des machines plus imposantes, comme des meules ou des coupe-fers.


Comme c’était la coutume pour les forgerons de campagne, le forgeron Bérubé fabriquait la majorité de ses propres outils et machines. Le forgeron Bérubé portait une attention à rendre ses outils ergonomiques et fonctionnels: ils étaient beaucoup plus robustes que leur version commerciale!

Tour d'horizon des machines de la Forge à Bérubé

La Forge à Bérubé renferme encore toutes les machines qui étaient dans la boutique du forgeron à la fin de sa carrière. Découvrez à quoi elles servaient, et lesquelles ont été conçues ou adaptées par le forgeron Bérubé. Plusieurs sont visibles dans la salle de spectacle, promenez-vous pour les voir de plus près!

David Ouellet, 2023

Juste devant vous se trouvent trois machines, sur le côté gauche de la scène. La première machine, juste devant vous, a été fabriquée par le Forgeron. Il s'agit d'une meuleuse, qu'on appelle aussi une meule, ou plus officiellement, un touret sur pied. Si vous êtes novice en la matière, selon le Larousse, une meule est un « corps solide de forme circulaire constitué de matière abrasive, qui sert à aiguiser, à polir. (Initialement constituées d'une roche naturelle, les meules sont aujourd'hui à base de grains d'abrasifs artificiels [corindon, carbure de silicium, etc.] agglomérés par des liants organiques, métalliques ou minéraux) ». Le forgeron pouvait ainsi se servir d'une telle machine pour la finition d'une pièce, ou pour lui donner la forme voulue. Dans la Forge, vous pouvez voir de nombreuses meules, de toutes formes et grosseurs.


La machine juste derrière cette meule a plutôt été achetée par le forgeron. Il s'agit d'une perceuse à colonne, qui fonctionne également à l'électricité.


Pour en apprendre plus sur les procédés du travail du fer, continuez de lire cette page jusqu'à la section «Le travail du fer: procédés et outils».

David Ouellet, 2023

Toujours dans le même axe, se trouve une scie à ruban électrique, également fabriquée par le forgeron. De manière générale, le forgeron ne fabriquait pas lui-même les engrenages de ses machines. Il les achetait, de même que les moteurs lorsqu'il y en avait, et concevait ensuite la machine dont il avait besoin.

Valérie Lavoie

Si vous vous déplacez vers la droite de la scène, vous verrez la pièce centrale de toute boutique de forge: le feu de forge. Le Forgeron Bérubé a fabriqué lui-même son feu de forge: ce n'était pas un objet qu'on pouvait acheter dans un magasin ou d'un vendeur, tous les forgeront fabriquaient le leur.


Pour en savoir plus sur la façon dont un feu de forge était traditionnellement utilisé, et sur les procédés du travail du fer, descendez plus bas sur cette page jusqu'à la section «Le travail du fer: procédés et outils».


Le feu de forge a été déplacé à l'intérieur de la Forge lors de l'achat de la salle par les Compagnons. À l’époque, il se trouvait près de l’actuelle entrée principale, environ vis-à-vis le milieu des dernières rangées des estrades. En effet, l'actuelle porte principale de la Forge n'existait pas à l'époque, et le bureau du forgeron se situait à cet endroit, tout près de son feu de forge.  

David Ouellet, 2023

En regardant les estrades depuis le parterre, vous pouvez apercevoir à votre droite ce qui était l'atelier de soudure du forgeron Bérubé. Cet atelier était situé lui aussi tout près de son bureau, près de la porte principale actuelle. La table de soudure qu'il utilisait à l'époque est désormais dans l'entrepôt de la Forge.


Le forgeron fabriquait et réparait de nombreux objets de métal. Avec la mécanisation de l’agriculture et l’arrivée des automobiles, les activités de forge traditionnelles, comme le ferrage des chevaux, sont moins en demande et les autres forges de la ville disparaissent peu à peu. Le forgeron Bérubé diversifie ses activités dans la soudure, la ferronnerie, et dans le travail du bois, entre autres. C'est notamment grâce à cette stratégie que sa boutique survit aussi longtemps, jusqu'à la fin des années 1990! Vers la fin de sa vie, le forgeron allège sa pratique, se concentrant sur la vente de fer et de petites pièces, ainsi que la petite soudure, l’affûtage et diverses réparations. 


Pour des photos et des informations sur toutes les machines se trouvant dans la Forge à Bérubé, cliquez sur le bouton ci-dessous!

Pour un tour guidé de toutes les machines de la Forge

Le travail du fer: procédés et outils

Les différents procédés du travail traditionnel du fer par le feu sont fascinants. Leur description recèle d'une poésie qu'on ne peut ignorer. On vous en offre une partie, pour en apprendre davantage sur le métier de forgeron et pour découvrir tout un langage.


Il y a trois procédés principaux dans le travail du fer à la forge. Dans l'ordre, ce sont: la chaude, le martelage, et la trempe.

1ᵉ procédé: « la chaude »

Le procédé de la chaude consiste à placer une pièce de métal en contact direct avec la flamme, afin qu'elle atteigne la température adéquate pour être travaillée sur l'enclume. Le forgeron met la pièce en feu: son feu de forge est une surface ouverte, comme une table de charbon embrasé.

Photo: Les Forges de Montréal

Si le feu est un élément central, l’air l'est tout autant, puisqu’il permet d’attiser les flammes. L’apport en air est contrôlé par un soufflet. L’entretien du feu et son apport en air sont souvent les premières épreuves à relever pour un apprenti. 

Artisans forgerons au Rendez-vous des Grandes Gueules 2018. Photo: Bobby Valérie.

Avec l'expérience, le forgeron peut déterminer la chaleur du fer par sa coloration. Il y aurait cinq niveaux de chaude:


➺ la chaude rouge sombre pour courber le fer plat de 2 à 3 lignes d’épaisseur

la chaude rouge cerise, ou « chaude cerise » pour courber le fer carré ou rond épais de plus de 0,6 cm

la « chaude jaune-orange » pour courber le fer de faible épaisseur

la chaude jaune clair ou « chaude grasse » pour courber le fer plus épais

➺ la chaude blanche ou « chaude suante » pour souder le fer.  

2ᵉ procédé: « le martelage »

Le second procédé est le martelage. C'est à ce moment qu'on façonne le métal, et on dit que le martelage permet de « resserrer le grain du fer ».

Artisans forgerons au Rendez-vous des Grandes Gueules, 2018. Photo: Bobby Valérie

Le martelage a plusieurs fonctions, dont celles-ci: 

exclure les impuretés, ou durcir le fer 

souder, ou marier le fer

➺ étendre, ou faire courir le fer

refouler ou tasser le fer

modifier la direction: courber, plier, tordre le fer

sectionner, découper ou percer le fer

détacher les scories (résidu solide provenant de la fusion de minerais métalliques) de forgeage, ou décrotter le fer.

Photo: Les Forges de Montréal

3ᵉ procédé: « la trempe »

Le troisième procédé est la trempe, au cours de laquelle le forgeron plonge son travail dans l’eau ou l’huile afin de lui donner sa résistance finale.

Photo: Les forges de Montréal

La trempe est un processus long et minutieux durant lequel le forgeron contrôle le refroidissement de la pièce en se fiant à l’évolution de sa couleur. Cette étape s’effectue souvent le soir afin de mieux distinguer les changements de couleur du fer. 

Les outils de la Forge contés par... Vuinbrekin

Vuinbrekin, par Stéphanie Beaudoin, Robin Servant, Emmanuel Guy. Prise d'image et montage par Mac Lepage.

* Ouvrez le son, il fait partie de l'expérience!


Découvrir un espace dans l'oeil et l'imaginaire de différent.e.s artistes est à la fois surprenant et émouvant. Nous avons demandé au trio Vuinbrekin de partager avec nous, via leur art, leur vision de la Forge à Bérubé. Les capsules vidéos présentées dans cette exposition sont une micro-fenêtre qui s’ouvre sur leurs manières quelque peu surprenantes de vivre cette mythique forge.


Vuinbrekin est un trialogue spontané et continu entre des artistes qui coconstruisent un univers de création avec les matériaux du bois, du corps et du son. Pour Robin Servant, le lieu et les surfaces se transforment en instrument. Il y fait vibrer les sons produits par son accordéon, par les outils du sculpteur Emmanuel Guy et par la voix et le corps de Stéphanie Beaudoin. Celle-ci y repère des textures, des trous et des creux où s’insérer, du charbon et de l’huile; son corps s’en inspire, pèse le poids de la fonte et le contondant du métal. Emmanuel Guy, avec son œil de sculpteur et sa sensibilité d’artiste qui connaît le grain de la matière, sait redonner aux outils de la Forge maintenant vétustes une vie propre.


Continuez votre visite pour visionner deux autres capsules de Vuinbrekin!