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Ismael
Une récompense de 14$ est offerte pour Ismaël quand l’annonce est publiée dans la Gazette de Québec le 11 mars 1784. C’est la deuxième fois que le marchand John Turner, de Montréal, fait publier des avis de recherche concernant son esclave.
La première fois, en 1779, Ismaël est détaillé comme étant né en Nouvelle-Angleterre avec un ton de voix particulier à cet endroit, des épaules larges, des cheveux noirs et frisés. On y mentionne qu’il a déjà eu la petite vérole, qu’il sait lire passablement bien l’anglais et parle peu français. On le dit âgé de 35 ans.
Selon Francis Back, spécialiste des costumes anciens, les vêtements que portait Ismaël lors de cette fuite (un chapeau peinturé blanc, une vareuse et de grandes culottes de toile d’Osnabourg) sont associés à un métier maritime comme navigateur sur le fleuve ou débardeur dans un port. John Turner étant marchand, cette deuxième option est une possibilité.
Un coup de sabot sur la jambe droite
Lors de sa deuxième tentative de fuite en 1784, l’annonce débute en stipulant qu’il a «quelque chose de remarquablement triste dans le visage». Il a aussi perdu des dents supérieures, le premier joint de son quatrième doigt de la main gauche et il a une cicatrice fraîche d’un coup de sabot sur la jambe droite.
Se faire passer pour libre
On ajoute qu’il comprend un peu le hollandais et qu’il se fait passer pour libre; une stratégie de fuite afin de camoufler sa véritable identité. Un fait inusité: 5 ans après la parution du premier avis de recherche où il est âgé de 35 ans, on l’annonce cette fois-ci à 36 ans.
Lors de sa troisième fuite en 1788, Ismaël est annoncé comme ayant quitté sans souliers. Ce qui, comme dans le cas de Bell, peut nous indiquer un empressement à vouloir déserter. Il porte, à ce moment, un gilet bleu de matelot, ce qui nous ramène vers l’hypothèse de Francis Back quant à la nature maritime des activités d’Ismaël. Il est, comme toujours, mentionné à 35 ans d’âge près de 10 ans après sa première fuite. On l’annonce, encore cette fois-ci, comme une personne se faisant passer pour libre.
Flou juridique entourant la possession d’esclaves
Le marchand John Turner a possédé au moins quatre autres esclaves, dont Manuel Allen qu’il avait vendu à son fils Jervis George Turner. Manuel Allen s’enfuit en 1798 dans la foulée des évasions initiées par Charlotte la même année.
Les fuites de Charlotte, Judith, Manuel Allen et Robin contribuèrent à la fin de l’esclavage au Bas-Canada au tournant du 19e siècle. Le juge James Monk, qui présida aux différents procès, ne trouva pas de fondements légaux à cette pratique dans la province et refusa dès lors de punir les fugitifs.