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Bell
Bell avait été achetée à l’encan par le boucher-marchand George Hipps au capitaine de bateaux Thomas Venture à Québec. Elle s’enfuit le 18 août 1778 et une annonce est publiée dans la Gazette de Québec le jour suivant.
Elle est décrite comme mulâtre, donc métissée. Comme illustré dans le cas de Jacob, le métissage en esclavage était toujours issu des abus sexuels. L’annonce mentionne que Bell, 15 ans, déserte dans la nuit du 18 août sans bas ni souliers; il est possible qu’elle ait fui précipitamment pour elle-même éviter ce type de sévices.
Une récompense de 4$ est offerte.
Banalisation de l'esclavage et des violences sexuelles
Vu la nature domestique de l’esclavage au Québec, bien des gens tendent à minimiser l’impact de cette pratique sur les personnes asservies. Cette banalisation néglige le fait que celles-ci sont déshumanisées par le commerce de leur être, déracinées par le démembrement de la cellule familiale et qu’elles n’exercent aucun contrôle sur leur propre corps excepté dans la fuite.
Cette banalisation oublie très certainement l’un des aspects les plus récurrents des esclavages depuis l’Antiquité: les violences sexuelles.
Bell fut retrouvée et reprend la fuite en octobre suivant; une notice est encore une fois publiée dans la Gazette de Québec.
Deux semaines plus tard, le boucher George Hipps la vend au lieutenant-gouverneur Hector-Theophilus Cramahé pour 1200 livres françaises. Cramahé s’en départi au printemps suivant en la vendant au capitaine Peter Napier pour 1080 livres françaises, elle a alors 16 ans.
Quatre ans plus tard, la veuve du capitaine Napier revend Bell, appelée Isabella Grant dans l’acte notarié, à Francis Daniell et Richard Dalton, des marchands de Québec. Les deux associés possédaient déjà un esclave panis du nom de Jacob; celui-ci prit la fuite environ 5 mois après qu’ils aient fait l’acquisition de Bell.