Église de La Décollation-de-Saint-Jean-Baptiste
Présentation du circuit
Un bout d'histoire de L'Isle-Verte
Dominant le paysage sans aucun complexe, l’église de La Décollation-de-Saint-Jean-Baptiste est construite au milieu du 19e siècle. On l’érige à l’image de cet ambitieux village, alors voué à devenir le pôle industriel et commercial de la région. Rien n’est trop beau, ni trop gros, ni trop haut pour cette seigneurie concédée en 1653 et qui connaît une croissance en flèche.
En 1811, l’arrivée de l’entrepreneur Louis Bertrand, originaire de Pointe-Levy (aujourd’hui Lévis), a l’effet d’un électrochoc sur le village. L’homme y exploite des scieries qui font rouler l’économie locale à plein régime. Il siège comme premier maire de L’Isle-Verte quand s’amorce l’érection de l’église, la quatrième à se dresser sur ce site. En toute logique, celle-ci doit s’élever à la hauteur du vigoureux village, pour qui le ciel est sans limites.
La construction débute dans la précipitation en 1846 alors que les plans originaux de Charles Baillairgé, jeune architecte d’à peine 20 ans, ne sont pas encore approuvés par l’évêque. Quand ce dernier s’aperçoit, deux ans plus tard, que les dimensions de l’église dépassent celles initialement prévues, il menace d’en ordonner la démolition. Finalement, l’archevêque donne l’autorisation aux ouvriers de poursuivre leur œuvre, flairant peut-être qu’elle serait un jour reconnue comme un joyau du patrimoine.
Terminée en 1855, l’église est l’une des premières dans la région du Bas-Saint-Laurent à intégrer des formes néogothiques, fort populaires autant chez les protestants que les catholiques. Prônant un retour au romantisme de l’architecture médiévale, en réaction à la Révolution industrielle, ce style se manifeste ici par les ouvertures à arc brisé, la flèche élancée et les pinacles ornant le clocher et la façade.
Baillairgé ne sera pas le seul architecte réputé à apporter sa touche à ce temple au caractère exceptionnel. Entre 1856 et 1867, François-Xavier Berlinguet, héritier lui aussi d’une longue lignée d’artisans, réalise le décor intérieur avec l’aide de son père Louis-Thomas. Trente ans plus tard, David Ouellet, autre figure marquante de l’époque, signe les dessins de la chapelle-sacristie et de la tour-clocher centrale qui vient remplacer en 1890 le clocher original.
Comme si l’église était une création en constante évolution, la fabrique invite en 1906 le chanoine Georges Bouillon à proposer des façons d’embellir l’intérieur. Un an avant sa retraite, ce designer avant la lettre soumet des esquisses, que tracera avec soin l’architecte Thomas Raymond. Réalisés de 1914 à 1917 par Joseph Dagneau et le sculpteur Alyre Prévost, les travaux aboutissent à un des décors d’influence néogothique les plus achevés. Dans la vaste pièce peinte en blanc et doré, de nombreux détails d’inspiration bouddhiste, tels que le symbole de yin et de yang, témoignent d’un voyage en Orient fait précédemment par le chanoine Bouillon.
Un orgue de 29 jeux de la Compagnie d’orgues canadiennes de Saint-Hyacinthe est installé en 1915. Des éléments plus anciens sont également intégrés à l’ensemble de façon harmonieuse, dont le maître-autel conçu jadis par Berlinguet père.
La pièce de résistance du décor se trouve juste au-dessus, dans le chœur : La décollation de saint Jean-Baptiste est une huile sur toile réalisée par l’Italien Pietro Gagliardi au milieu du 19e siècle. Reconnu pour ses fresques religieuses qui tapissent de nombreuses églises romaines, l’artiste dépeint ici une scène rarement illustrée, celle de la décapitation du prophète.
Accrochée en 1871, l’œuvre est importante non seulement pour sa valeur artistique, mais aussi pour sa double connotation historique. Offerte généreusement à la paroisse par Louis Bertrand, elle rappelle la contribution majeure de cet homme politique et entrepreneur dans la fondation de L’Isle-Verte. Elle souligne en outre l’apport de Jean-Baptiste Côté, le premier seigneur à s’être installé sur ces terres en 1711. C’est fort possiblement en sa mémoire que la paroisse a adopté saint Jean Baptiste comme patron.
En misant ainsi sur la décapitation de la figure religieuse, la paroisse a-t-elle jeté un mauvais sort sur la future municipalité, qui n’a jamais atteint l’envergure dont elle rêvait jadis ?